Franck Zal fait partie de ces personnes qui se posent des questions sur tout ce qui l’entoure. À la plage, il observe les vers marins nichés dans le sable. « Je me suis demandé comment ils respiraient, puisqu’ils vivent à la fois dans le sable et dans l’eau. On me prenait pour un fou », sourit-il.
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- Ce flacon contient du sang extrait de ver marin. Les molécules qui le constituent ont un extraordinaire pouvoir d’oxygénation. photo : OUEST-FRANCE
En 2000, il découvre que l’animal, aussi appelé arénicole ou buzuk en breton, a un sang différent du nôtre. Ses globules rouges sont capables de stocker l’oxygène beaucoup plus longtemps. « Il respire à marée haute et vit en apnée à marée basse, soit pendant 6 h, résume le chercheur. Avec cette découverte, on révolutionne des pans entiers de la médecine ! »
Il quitte donc son poste de chercheur au CNRS où il travaille depuis quinze ans et fonde Hemarina, une entreprise de biotechnologie marine, à Morlaix (Finistère), en 2007. « Les élus de Morlaix communauté m’ont fait confiance, souligne-t-il. Donc je veux rester ici. Au début, j’étais seul dans un petit bureau, au sein d’une pépinière d’entreprises. »
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- Franck Zal fonde Hemarina, une entreprise de biotechnologie marine, à Morlaix (Finistère), en 2007. Photo : Ouest-France
Une entreprise qui se développe
Aujourd’hui, Hemarina c’est une quarantaine de salariés, une ferme d’élevage qui produit 30 tonnes de vers à Noirmoutier et de futurs locaux de 4 000 m² qui s’installeront près de l’aéroport. Chef d’entreprise, comptable,… le chercheur s’est formé au fur et à mesure pour surtout « garder le contrôle de [son] capital ».
Avec soixante brevets déposés à travers le monde, la découverte de Frank Zal se décline pour l’instant de trois façons. La première, HEMOXYCarrier, permet d’extraire les globules rouges du ver et de les lyophiliser. Devenu poudre, ils se conservent cinq ans à température ambiante (au lieu de 42 jours à 4 °C). « Cela veut dire qu’on pourra transporter de gros volumes de sang et donc transfuser plus facilement sur un accident, un champ de bataille », explique le chef d’entreprise. L’US Navy s’est déjà montrée intéressée.
Deuxième déclinaison : la transplantation avec HEMO2life. En injectant ces globules rouges dans un organe prêt à être greffé, l’organe reste viable plus longtemps (sept jours au lieu de 40 heures normalement). « Soixante et une personnes ont été greffées avec du sang d’arénicole, dont une pour une greffe du visage. Tous les organes étaient fonctionnels et il n’y a pas eu de rejet », se félicite le chercheur.
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- « Soixante et une personnes ont été greffées avec du sang d’arénicole, dont une pour une greffe du visage. Tous les organes étaient fonctionnels et il n’y a pas eu de rejet », se félicite le chercheur . Photo : Ouest-France
Essais cliniques
Dernier développement majeur, la cicatrisation avec HEMHealing. Avec des pansements imbibés d’un gel contenant les globules rouges d’arénicole, la vitesse de cicatrisation est multipliée par dix.
Aujourd’hui, HEMO2life est dans l’attente d’obtention de son marquage CE pour une mise sur le marché d’ici 2019. Les essais cliniques vont commencé pour les deux autres déclinaisons. Franck Zal a également pris des précautions en répertoriant son produit auprès de l’Agence mondiale antidopage.
Le chercheur aimerait monter une société pharmaceutique et, si les choses se passent bien, créer une fondation médicale car, il en est convaincu : « On doit tous apporter quelque chose à l’humanité. »
Publié le 19 juillet 2018 par Raphaël Besançon dans www.ouest-france.fr
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