Le bras robotisé du Zeego, un appareil d’imagerie dernier cri, tourne autour de la patiente endormie. Presque instantanément, une vue en 3D de son foie s’affiche sur les multiples écrans du bloc. L’organe se dévoile dans ses moindres détails, avec l’emplacement de chacun de ses vaisseaux sanguins. Révélant aussi les trois métastases que le Pr Patrick Pessaux veut éliminer. "L’image va m’aider à positionner une aiguille de radiofréquence à travers l’abdomen, pour détruire la lésion la plus difficile à atteindre", murmure, concentré, le chirurgien. Sur les écrans, ses mains gantées, affairées avec l’instrument, paraissent toucher les entrailles de la malade. Comme dans un ballet cadencé, une porte coulissante s’ouvre alors, et un scanner glisse sur des rails jusque dans la salle. Un manipulateur pousse la table d’opération dans l’anneau émetteur de rayons X. Verdict de l’examen : l’aiguille est bien placée, l’intervention peut démarrer.
Augmenter la vue et la cognition des chirurgiens
Science-fiction ? Presque. Nous sommes au coeur de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de chirurgie guidée par l’image, un des temples de la recherche chirurgicale en France, installé dans l’enceinte de l’hôpital de Strasbourg (Bas-Rhin). La vaste "salle hybride" où le Pr Pessaux officie ce jour-là sert à tester des protocoles innovants. Opérationnel depuis peu, ce bloc unique au monde rassemble toutes les techniques d’imagerie existantes, y compris une IRM, dissimulée derrière une autre porte. "Radiographie et chirurgie appartiennent normalement à deux univers distincts, souligne Patrick Pessaux. Avec les procédures habituelles, nous n’aurions pu utiliser le scanner que quelques jours avant l’intervention, mais pas dans des conditions de quasi-direct. Résultat ? J’aurais eu du mal à repérer la lésion et il aurait fallu enlever une part plus grande du foie de la patiente."
Grâce à la fusion du bistouri et de l’image conçue par le maître des lieux, le Pr Jacques Marescaux, les chercheurs espèrent rendre la chirurgie toujours moins invasive, et toujours moins risquée. "Chaque année, en France, 92 000 événements ’indésirables’ graves surviennent encore dans les blocs, rappelle le Pr Marescaux, directeur général de l’IHU. Nous pouvons faire mieux." Pour cela, cet expert, célèbre pour avoir réalisé en 2001 la première opération de téléchirurgie transatlantique, veut "augmenter la vue et la cognition des chirurgiens, grâce à la réalité augmentée et à l’intelligence artificielle".
Des "clones virtuels" de l’anatomie des patients
Pour rendre possibles ces deux révolutions, les équipes du Pr Marescaux ont d’abord travaillé pendant plus de vingt ans à la modélisation en 3D de l’anatomie des patients. Une technologie désormais au point - seuls les nerfs manquent encore. Consultables sur ordinateur, smartphone ou tablette, ces "clones virtuels", selon la terminologie en vigueur à l’IHU, facilitent déjà la préparation des interventions. "Nous pouvons les manipuler dans tous les sens, retirer des éléments et même simuler l’effet des opérations", confirme Patrick Pessaux. Leur réalisation ressemble à un jeu d’enfant : "Un algorithme colorie les structures anatomiques des 300 clichés pris en moyenne lors d’une IRM ou d’un scanner, puis les empile comme des Lego, pour donner une impression de volume", détaille le Pr Luc Soler, l’un des responsables de la recherche et patron de Visible Patient, qui commercialise cette technologie. Chaque modèle demande quatre heures de travail aux techniciens qui s’affairent dans les locaux encombrés de la start-up, et coûte de 300 à 500 euros - non remboursés par la Sécurité sociale.
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- Les modèles 3D de l’anatomie des patients peuvent être examinés sous toutes les coutures, et servir à planifier une opération.
L’étape suivante ? La fusion de ces modèles 3D avec les images des organes des patients lors des opérations. En chirurgie "mini-invasive", ces représentations en réalité augmentée seront projetées sur les écrans des blocs ou dans les postes de pilotage des robots chirurgicaux. En chirurgie ouverte, les opérateurs les verront dans des lunettes adaptées. Dans les deux cas, les patients deviendront bel et bien transparents. "Les neurochirurgiens ont été les pionniers, et cette technologie émerge en orthopédie, constate le Pr Marescaux. Mais son application en chirurgie digestive reste un défi, car les organes bougent en permanence."
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- Un essai d’opération avec l’utilisation de la réalité augmentée. L’image du modèle 3D de l’anatomie du patient est surimposée sur l’image "réelle", pour guider le chirurgien grâce aux écrans installés tout autour de la salle.Ph. Eranian_IRCAD
Certaines difficultés se trouvent déjà résolues. Par exemple, le recalage du modèle 3D (construit avant l’opération) sur la position exacte du malade au bloc. Notamment en chirurgie mini-invasive, où l’abdomen, rempli de gaz, est très déformé. "Grâce à la salle hybride, nous pouvons prendre une image juste avant le début de l’intervention, et des algorithmes ajustent le clone", explique Luc Soler. La prise en compte des mouvements dus à la respiration a aussi été un casse-tête. "A présent, nous avons une précision de 2 à 3 millimètres près, mais nous devrions pouvoir l’améliorer jusqu’à 1 millimètre", constate le scientifique. Et ensuite, il faudra encore parvenir à suivre la déformation des organes au fil de l’opération...
Publié par Stéphanie Benz, publié le 27 avril 2018 dans www.lexpress.fr
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