Au-delà de la high-tech et de ses innovations, le gouvernement d’Emmanuel Macron a-t-il aussi la volonté de promouvoir la biotech ?
France Biotech, l’association qui réunit les acteurs français du secteur, veut y croire. « Nous avons des contacts avec différents ministères et nous y trouvons une véritable écoute », explique sa présidente, Maryvonne Hiance. Alors que se tenait mercredi 07 février 2018 à Paris les Rencontres internationales de biotechnologies (RIB), l’association espère des mesures concrètes d’ici à l’été 2018.
Et pour convaincre les pouvoirs publics, elle met en avant les atouts de la France.
Tout d’abord, « l’Hexagone peut compter sur l’excellence de sa recherche scientifique », explique un rapport du Boston Consulting Group (BCG), commandé par France Biotech et publié en fin d’année 2017.
« La France est le seul pays en dehors des Etats-Unis à figurer dans le Top 10 mondial des centres de recherche en santé avec deux établissements, l’Inserm et l’AP-HP. »
Autre point fort du pays, « les nombreux dispositifs de financement des entreprises innovantes : crédit impôt recherche, participations de bpifrance, avantages du statut de la Jeune entreprise innovante, Programmes d’investissements d’avenir, etc. », indique le BCG.
A côté de ces sources de financements publics d’amorçage, la France abrite aussi les deux plus importants fonds dans les sciences de la vie. A côté du fonds mixte biotech/énergies vertes de 300 millions d’euros de Sofinnova, Edmond de Rothschild
Investment Partners (EDRIP) a annoncé la levée d’un fonds spécialisé de 345 millions d’euros. Enfin, Euronext, est devenu au fil des dix dernières années le principal hub boursier du Vieux Continent avec 84 sociétés cotées, et 79 introductions en Bourse depuis 2006.
Pour autant, « on est dans une situation paradoxale, observe Bernard Gilly, fondateur de IBionext (développement de sociétés de healthtech), car une série de freins demeurent, qui empêchent la France d’exprimer son potentiel dans ce domaine ». Au premier rang, la quasiabsence, à l’exception de Large Ventures de la BPI, de fonds d’investissements pour financer la croissance des entreprises au-delà de l’amorçage et des premiers tours de table. « Cette carence conduit les entreprises à aller en Bourse à un stade trop précoce », déplore le fondateur de IBionext.
Délais administratifs non tenus
Mais le plus gros problème pour les biotech françaises est l’environnement administratif. Faute de moyens suffisants, l’ANSM ne peut pas faire son travail. Le délai maximum fixé par l’Europe de 190 jours pour l’autorisation d’un essai clinique
n’est jamais tenu. Comment s’étonner alors que, selon le BCG, 68 % des essais cliniques des sociétés technologiques dans le domaine de la santé soient réalisés uniquement à l’étranger ?
De même, la Haute Autorité de santé (HAS) qui procède à l’évaluation médico-économique, empêche, par son fonctionnement actuel, les patients français d’accéder aux nouveaux traitements au même rythme que les autres citoyens européens. C’est le constat du rapport du BCG qui souligne qu’il faut en France, en moyenne 408 jours pour commercialiser un produit, là où il n’en faut que 120 en
Allemagne.
Si le rapport commandé par France Biotech formule une série de recommandations pour lever ces freins, aucune ne s’imposera véritablement « tant que le gouvernement Macron n’aura pas la volonté politique de réconcilier la France avec son industrie de la santé », estime Maryvonne Hiance. S’il ne le fait pas, nous allons finir par importer tous nos médicaments, alors qu’aujourd’hui, cette industrie est encore la troisième en France, en matière d’exportation ».
Rothschild crée le plus gros fonds dédié au secteur en Europe
Doté d’un montant de 345 millions d’euros, il doit permettre de faire jeu égal avec les fonds américains.
Avec la levée de 345 millions d’euros, Edmond de Rothschild Investment Partners (Edrip) crée le plus gros fonds d’investissement européen
consacré aux biotechnologies et aux technologies médicales.
Dénommé BioDiscovery 5, ce fonds d’une durée de vie de 10 ans, est le cinquième de
ce type. En dix-sept ans, l’équipe de gestion aura levé près de 800 millions d’euros et investi dans 57 sociétés du secteur. Le précédent portait sur 192 millions d’euros.
La bonne santé des sociétés du secteur a aidé Edrip à convaincre les souscripteurs. « Le succès des médicaments contre l’hépatite C de Gilead développés grâce au rachat de Pharmasset pour 11 milliards de dollars, et une série d’autres acquisitions ont
apporté la preuve du dynamisme de ce secteur », observe Gilles Nobécourt,
directeur associé d’Edrip.
Edrip a accompagné ce mouvement dans le cadre de son précédent fonds avec plusieurs cessions fructueuses, comme celle de Chase Pharma à Allergan pour 125 millions de dollars – qui lui a permis de récupérer cinq fois leur mise – ou celle de OncoEthix à l’américain Merck, pour 110 millions de dollars. C’est aussi la preuve de l’expertise de l’équipe de gestion qui a misé au bon moment sur les technologies clefs.
Si Edrip privilégie les sorties industrielles - il en a 16 à son actif – il ne s’interdit pas non plus les mises en bourse – 18 en dix-sept ans. L’avantage d’un fonds de la taille de BioDiscovery V sera de gagner encore en souplesse. « Nous allons pouvoir optimiser le moment de la création de valeur, explique Olivier Litzka, directeur associé. Si les conditions de refinancement ne sont pas favorables, nous pourrons
accompagner plus longtemps l’entreprise en procédant à un tour de table supplémentaire. »
Déjà deux investissements aux Etats-Unis
Pour Edrip qui investit une partie de son portefeuille aux Etats-Unis, « la taille du nouveau fonds, c’est la possibilité de faire jeu égal avec les fonds américains », explique Raphaël Wisniewski, directeur associé. Deux investissements ont déjà été réalisés à ce jour aux Etats-Unis grâce à BioDiscovery 5.
Enfin, cette levée est la preuve qu’Edrip est clairement prêt à prendre son indépendance de sa maison-mère Edmond de Rothschild. Un processus en cours qui
doit encore être validé par l’Autorité des marchés financiers. Le pôle de biotech et d’investissement dans les PME, qui gère au total environ 1,8 milliard d’euros, veut pouvoir accueillir plus d’investisseurs tiers à ses tours de table.
— C. D. avec A. D
photo : A côté de ces sources de financements publics d’amorçage, la France abrite aussi les deux plus importants fonds dans les sciences de la vie. Photo Sipa
Catherine Ducruet
@CDucruet
Publié le 07 février 2018 par Catherine Ducruet dans /www.lesechos.fr
Pour en savoir plus :
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