L’Usine Nouvelle - Pourquoi ce retour à la technologie pure et dure, après avoir mis l’accent sur l’innovation étendue ?
Paul-François Fournier - Nous ne renions pas la réflexion que nous avons menée il y a quatre ans sur l’innovation étendue, au-delà de la seule technologie, mais la vague d’innovation digitale liée aux smartphones se tarit, ce qui ouvre de nouveaux espaces. Nous sommes convaincus qu’un mouvement profond est enclenché. L’innovation va reprendre sa source dans la technologie. Comme le dit Nicolas Dufourcq [le directeur général de Bpifrance, ndlr], on passe du monde de Zuckerberg à celui de Musk. Cependant, il ne s’agit pas d’opposer les deux facettes de l’innovation. La deep tech aura aussi besoin d’innovation non technologique pour trouver son marché, ses usages, son business model...
Quels sont les objectifs de votre plan Deep tech ?
Nous voulons multiplier le nombre de start-up deep tech, faire en sorte qu’elles grossissent en étant financées par le capital-risque et que les grands groupes puissent s’appuyer sur cet écosystème, via des rachats notamment. Avec le numérique, l’innovation s’est déplacée vers ces petites structures et continue de le faire. Et comme dans le numérique, le succès des start-up représente une opportunité formidable pour les entreprises et les filières traditionnelles. Le rachat de Netatmo par Legrand en est une illustration.
Qu’est-ce que la deep tech selon Bpifrance ?
Notre référentiel Deep tech Génération établit quatre grands critères : il s’agit de technologies issues de la recherche scientifique, elles présentent des barrières à l’entrée – des verrous technologiques –, elles constituent un avantage différenciateur fort et leur mise sur le marché est longue et complexe. Mener des travaux de recherche jusqu’à un produit commercialisé prend beaucoup plus de temps et d’argent que pour un service numérique. C’est pourquoi nous lançons ce plan avec un fort soutien financier de l’État.
Comment allez-vous soutenir la création de start-up ?
Il s’agit d’abord d’aider à ce que les technologies de laboratoire nourrissent des projets entrepreneuriaux. Nous allons renforcer les incubateurs ciblés sur les innovations de rupture en y injectant 150 millions d’euros en trois ans. Nous avons enfin signé le 21 janvier un partenariat avec l’Agence nationale de la recherche pour intensifier nos échanges et mieux nous coordonner. Nous évaluons à 200 à 250 le nombre de start-up deep tech créées par an. Notre ambition est de doubler ce chiffre d’ici à quatre ans.
Après la création, vient le financement...
Nous financerons ces start-up en sortie de laboratoire avec une enveloppe de 800 millions d’euros sur cinq ans, pour moitié issus du Fonds pour l’innovation de rupture et pour moitié du fonds French tech seed, venant du Programme d’investissements d’avenir. Ensuite, pour les aider à grossir, nous investirons sur cinq ans 1 milliard d’euros dans des fonds et 300 millions en direct dans des start-up. Avec les effets de levier, ce sont au total 5 milliards d’euros qui devraient être déversés dans le capital-risque ciblé sur la deep tech. C’est un montant conséquent, qui permettra d’adapter l’écosystème du capital-risque. Il y a besoin d’une expertise technologique plus forte, de proximité avec les laboratoires, de fonds plus sectoriels, mais aussi de fonds plus gros, capables de prendre des tickets de 100 ou 200 millions d’euros.
En quoi la France a-t-elle une carte à jouer avec la deep tech ?
Ce mouvement est une chance pour la France. Nous disposons d’une recherche scientifique de pointe et notre écosystème d’entrepreneuriat et de financement est en plein essor. Si l’on arrive à réunir les deux, ce qui est le but de notre plan, la France peut réaliser de grandes avancées. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. Selon une étude récente du cabinet Wavestone, les investisseurs placent la France en tête sur la deep tech, devant les États-Unis et le Royaume-Uni.
Trois grands axes d’action
Stimuler Bpifrance va aider à l’émergence de start-up via les sociétés d’accélération du transfert de technologies et en renforçant les incubateurs (150 millions d’euros sur trois ans).
Amorcer 800 millions d’euros sur cinq ans seront investis dans de nouvelles start-up, via des subventions, des avances remboursables et des obligations.
Déployer 1,3 milliard d’euros sera injecté dans le capital-risque français pour générer 5 milliards d’investissements et faire croître les start-up.
publié le mercredi 30 janvier 2018 dans www.usinenouvelle.com
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