L’imagerie médicale à l’heure de l’intelligence artificielle La ressource critique aujourd’hui, ce sont les professionnels de santé.

, dans le réseau de Christelle Ayache

Les premiers modules d’intelligence artificielle sont maintenant proposés par les constructeurs. Ils aident à interpréter les images et choisir les traitements mais aussi à gérer les patients.

Il y a deux ans déjà, l’intelligence artificielle (IA) faisait irruption à la Une du Congrès de la Radiological Society of North America (RSNA), le grand rendez-vous mondial annuel de l’imagerie médicale, avec ses quelque 50.000 participants. Une peur millénariste avait alors saisi une profession redoutant sa mort prochaine, au profit des machines devenues plus intelligentes que les humains. Du fantasme à la réalité, avec les premières réalisations concrètes en cette fin 2019, de nombreux professionnels ont réalisé qu’ils pouvaient s’emparer de l’IA pour alléger leur quotidien.

Car les chiffres sont là. «  En 2010, il fallait trois ans et demi pour que la quantité de données médicales soit multipliée par deux. En 2020, il ne faut plus que 72 jours », observe le directeur médical de GE Healthcare Europe, Mathias Goyen. Et l’imagerie y contribue largement. Elle est non seulement utilisée pour le diagnostic dans un nombre croissant de situations, mais aussi pour le suivi des traitements et même leur réalisation avec l’essor de la radiologie interventionnelle. Face à cette explosion des données, «  la ressource critique aujourd’hui, ce sont les professionnels de santé », observe David Corcos, qui dirige Philips en France. « Il en manquerait 7 millions dans le monde actuellement, chiffre qui devrait passer à 14 millions en 2035 », selon Mathias Goyen. « Et pour ceux qui exercent, le burn-out guette  », s’inquiète le patron du service d’imagerie de l’hôpital Foch à Paris, Philippe Grenier.

Interprétation d’images

Dans ce contexte, l’intelligence artificielle n’est pas la panacée, mais elle constitue une aide dont il sera de plus en plus difficile de se passer. Tous les constructeurs d’équipements d’imagerie l’on compris. Ils continuent certes à innover dans le « hardware  ». Canon revendique ainsi les plus petits détecteurs pour son nouveau scanner, Philips a mis au point un scanner à comptage photonique et une IRM sans hélium, ou encore Siemens a développé son IRM 7 Teslas, en routine à Poitiers depuis novembre. Mais une part croissante de la R&D est désormais tournée vers le «  software ».

« Siemens dispose à Princeton d’une grosse infrastructure d’intelligence artificielle, employant quelque 600 ingénieurs et scientifiques. Il a été le premier, à obtenir la validation de la FDA de son module d’interprétation d’images scanner IA-Rad Companion, pour son application au thorax », explique Christoph Zindel, membre du comité exécutif de Siemens Healthineers chargé de l’intelligence artificielle. Ce module, qui le dispute à l’AiCE de Canon, attire l’attention du médecin sur les anomalies éventuellement décelées sur les différents organes et prévient la baisse de vigilance du radiologue résultant de la fatigue.

Choix du traitement

La validation clinique des outils d’intelligence artificielle suppose des partenariats avec les hôpitaux. Philips a signé en France pour deux ans avec le CHU de Lille, pour l’évaluation d’Illumeo, un module qui rassemble, pour un patient, la liste de ces pathologies, ses anciens examens d’imagerie, ses résultats d’analyses biologiques et ses prescriptions, issus d’autres bases de données que les images. Avec son Navify Tumor Board, développé en collaboration avec Roche, GE Healthcare propose un produit dans le même esprit pour les équipes de cancérologie, afin de faciliter le choix du traitement. Idem chez Siemens, où le IA-Pathway companion fournit un tableau de bord de la tumeur, avec comme première application le cancer de la prostate.

Toutes ces utilisations de l’IA visent à raccourcir la durée des examens et à optimiser les flux de patients, tout en assurant une qualité homogène des soins. Les grands constructeurs ne sont pas les seuls à développer de tels modules. A côté d’eux, une myriade de petites sociétés y travaillent aussi. C’est ce qui a incité Philips à créer IntelliSpace, une plate-forme ouverte à travers laquelle, elles acquièrent une visibilité auprès des utilisateurs.

Supervision à distance

Enfin, comme dans d’autres domaines, l’intelligence artificielle permet de gérer et d’assurer la maintenance à distance des parcs de scanner, d’IRM ou autres… mais aussi de surveiller des patients. Face au turn-over important du personnel médical, la chaîne d’hôpitaux Advocate Aurora Health a mis en place, aux Etats-Unis, un système de supervision à distance.

Catherine Ducruet

Publié par Catherine Ducruet le 16 décembre 2019 dans https://www.lesechos.fr/



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