Kat Borlongan prend la tête de la Mission French Tech le 25 mai 2018

, dans le réseau de Kat Borlongan, Linnea Bruce
 STATION F

Le secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, a confirmé le 25 mai 2018 à VivaTech que Kat Borlongan, ancienne dirigeante du cabinet de conseil Five By Five, est bien la nouvelle directrice de la Mission French Tech. Qui est-elle et quelles seront ses missions ?


C’est officiel. Si le secret avait déjà percé il y a déjà quelques semaines, Kat Borlongan, 35 ans, est officiellement la nouvelle directrice de la Mission French Tech, l’initiative gouvernementale créée en novembre 2013 par Fleur Pellerin pour fédérer les startups tricolores sous la même bannière et promouvoir l’innovation made in France dans le monde.

L’annonce a été faite le vendredi 25 mai 2018, lors du discours de clôture de VivaTech par le secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi. Kat Borlongan succède ainsi, après six mois d’une trop longue vacance, à David Monteau, le directeur historique, qui a cédé aux sirènes de l’entrepreneuriat en rejoignant la startup Skopai.

Parcours atypique des Philippines à Montréal, en passant par le Japon et Bordeaux

Née aux Philippines, Kat Borlongan a effectué une partie de sa scolarité au Japon avant d’arriver en France en février 2003, à 20 ans, sans parler un mot de la langue de Voltaire. Déterminée à obtenir un Visa d’études, elle s’astreint alors à un apprentissage express et douloureux du français et réussit en septembre de la même année la dissertation demandée à l’examen pour décrocher le sésame.

Un an plus tard, la brillante étudiante quadrilingue (la langue philippine tagalog, le japonais, l’anglais et le français) réussit le concours d’entrée pourtant très sélectif de Sciences Po Bordeaux. "J’étais la seule étrangère de ma promo", revendique-t-elle, quasiment sans accent. Elle s’y spécialise en affaires publiques. Passionnée par les médias, elle intègre ensuite l’antenne québécoise de Reporters sans frontières (RSF) à Montréal en tant qu’assistante de la directrice, qu’elle finit par remplacer en 2007 pendant deux ans, avant d’effectuer plusieurs missions, dont une à l’ONU.

Une "obsession" pour l’open data.

Kat Borlongan rentre ensuite à Paris en 2011 et décide de choisir la France comme son "chez soi". En cherchant un travail dans la gouvernance d’Internet, elle devient "complètement obsédée" par l’open data car "il bouscule tous les paradigmes de la transparence et ouvre de nouvelles fenêtres aux entrepreneurs et aux ONG pour changer la société". C’est grâce à l’open data que la jeune femme découvre le milieu de la tech. C’est d’ailleurs lors d’un hackathon sur la data en 2012 qu’elle rencontre pour la première fois Mounir Mahjoubi, alors entrepreneur et membre du jury.

Rapidement, Kat Borlongan dirige le bureau parisien de la fondation Open Data Institute, qui promeut l’ouverture des données publiques aux citoyens et aux entreprises. Elle conseille aussi pendant deux ans Etalab, le service de l’Etat en charge de l’ouverture des données publiques. Une expérience "précieuse" pour découvrir les arcanes de l’administration française.

C’est peut-être l’une des clés de sa nomination : Kat Borlongan dispose d’une connaissance de l’administration française qui lui sera certainement très utile pour diriger la Mission French Tech, rattachée au ministère de l’Economie à Bercy mais pilotée par le Secrétariat d’Etat au Numérique, ce dernier dépendant du Premier ministre. "Il faudrait poser la question à ceux qui m’ont choisi mais je pense que mon adaptabilité à plusieurs cultures organisationnelles -administrations, startups, grands groupes- a pesé dans le choix", indique-t-elle.

Experte en stratégie, apôtre des relations startups/grands groupes

Même si elle gravite dans l’écosystème d’innovation français depuis le début de la décennie, Kat Borlorgan reste peu connue des entrepreneurs. De fait, le choix du gouvernement fait office de vraie surprise, y compris au sein même de l’équipe de la Mission French Tech. L’écosystème, qui a donné de la voix ces derniers mois pour réclamer que l’Etat "rende" la French Tech aux entrepreneurs, attendait la promotion « d’un des leurs », c’est-à-dire un profil tech avec une expérience significative dans une startup, familier avec toutes les problématiques des jeunes pousses.

Or, Kat Borlorgan est avant tout une experte des startups. Son point fort : acculturer les startups aux grands groupes, et inversement. Sa société Five by Five, qu’elle a cofondée en 2013 et dont elle vient de démissionner, est une agence spécialisée dans l’open innovation, ou innovation ouverte. Son credo est d’aider ses clients (grands groupes comme Google, Coca-Cola, Orange, PME et organisations comme la CNIL ou la Caisse des dépôts) à faciliter leur transformation numérique en les aidant à innover, notamment via des partenariats avec des startups, le recours à l’open data et à des API.

"Mon rôle était de rapprocher deux mondes qui se comprennent encore assez mal : identifier les besoins de l’écosystème des startups, leur trouver des cas d’usages intéressants dans les grandes organisations et tous les outiller pour faire émerger rapidement des projets innovants à fort impact", explique celle qui a monté des directions entières de l’innovation dans des grands groupes.

Kat Borlongan fait donc partie des nombreux experts qui gravitent autour des entreprises innovantes. Membre du programme d’accélération américain Techstars, elle pilote un programme d’innovation corporate. Elle est également mentor pour le French Tech Ticket, un programme de la Mission French Tech qui aide des entrepreneurs étrangers à s’installer en France.

Le précédent directeur, David Monteau, avait d’ailleurs choisi de s’allier avec Five by Five pour mener la première enquête sur les relations entre les startups et les grands groupes, publiée en novembre dernier. Il en ressortait un gros «  peut mieux faire  » adressé aux champions de l’économie française, coupables d’entretenir des relations cosmétiques avec les jeunes pousses au point de leur consacrer seulement 0,1% de leur budget « achats ».

Sa nomination déclenche scepticisme ou optimisme

Malgré ce CV bien garni, de nombreux entrepreneurs, parce qu’ils n’avaient jamais entendu parler d’elle, parce qu’ils ne la connaissent que par Five by Five, ou parce qu’ils souhaitaient que l’Etat rende le pilotage de la Mission French Tech aux entrepreneurs, accueillent la perspective de sa nomination avec une certaine circonspection.

« L’ADN de la French Tech est très tech et business : jusqu’à présent, c’était fédérer, faire rayonner et aider les startups à se développer. Kat Borlongan incarne une modification de cet ADN. Son parcours est impressionnant mais elle n’a pas le côté business, elle n’est pas proche du monde de l’innovation français", s’interroge un entrepreneur et fin connaisseur de la French Tech.

En revanche, le signal envoyé -une femme, jeune, issue de la diversité, experte des relations startups/grands groupes, dotée d’une vision éthique de l’innovation- est intéressant. Effectivement, Kat Borlongan colle parfaitement avec la vision promue par Mounir Mahjoubi, c’est-à-dire une innovation à la fois vecteur de développement économique, de progrès sociétal et de modernisation de l’Etat.

S’il ne fait aucun doute que Kat Borlongan va modifier l’ADN de la French Tech, elle pourrait l’amener dans de nouvelles directions en œuvrant pour renforcer les collaborations startups/grands groupes -une vraie faiblesse française-, en prenant à bras-le-corps le chantier de la diversité dans la tech, et en mettant la Mission French Tech au cœur du dispositif de modernisation de l’Etat, un des chantiers phares de Mounir Mahjoubi et promesse d’Emmanuel Macron, qui s’est engagé à dématérialiser "100% des démarches administratives" à l’horizon 2022.

« L’international n’est pas le seul débouché des startups françaises. Les grands groupes sont des partenaires naturels. Lever les freins actuels est un enjeu essentiel donc il est bon que la French Tech ait un pied dans chaque monde  », estime le directeur innovation d’un grand groupe.

Croissance des startups, talents, inclusion : de nombreux chantiers en perspective

Si sa nomination vient à peine d’être officialisée, Kat Borlongan travaille déjà depuis plusieurs semaines -depuis les locaux du French Tech Central à Station F- sur sa feuille de route. Elle rencontre une quinzaine de personnes par semaine et découvre les équipes au sein de la Mission French Tech, à Bercy et en métropoles.

Pour l’instant, Kat Borlongan a identifié quatre grandes thématiques, qui pourraient constituer la colonne vertébrale de la "nouvelle Mission French Tech". Le premier chantier est la gestion de la croissance des startups et de leur écosystème. Ouvrir aux startups les portes de l’international, déverrouiller les freins dans leur marché domestique (notamment avec les grands groupes), attirer les investisseurs en France, sont aujourd’hui les grands défis business des jeunes pousses.

Le deuxième est la question des talents  : comment attirer les meilleurs talents en France, notamment pour travailler dans les deeptech, comment conserver les nombreux talents produits en France, et comment aider les entreprises en hyper-croissance à trouver les bonnes recrues, y compris pour siéger à leur Comex, afin de les aider à se muter en grandes structures.

Le troisième est l’intégration de la French Tech avec le gouvernement, c’est-à-dire comment la French Tech travaille en interne avec Bercy et ses administrations (DGE, DGT...), avec le Premier ministre, avec les différents ministères. Mounir Mahjoubi a annoncé jeudi 24 mai 2018 à VivaTech des "correspondants" de la French Tech dans les ministères, pour infuser la culture startup en interne et créer des passerelles entre les pépites et leur ministère de référence (par exemple l’Education Nationale pour les EdTech).

Enfin, le dernier chantier est celui de l’inclusion. Autrement dit, la promotion d’un écosystème "tech for good", qui met l’accent sur la diversité sociale et la parité.

Tous les programmes existants devraient donc réévalués en fonction de leurs résultats pour s’intégrer dans ces différentes thématiques. Le tout avec un budget qui devrait rester sensiblement le même, c’est-à-dire autour de 15 millions d’euros par an.

Publié par Sylvain Rolland le 25 mai 2018, dans www.latribune.fr

Voir aussi l’article publié par Florent Vairet le 26 mai 2018, dans https://business.lesechos.fr


L’équipe de la Mission French Tech

Pour en savoir plus :

- Le 27 novembre 2013 Fleur Pellerin annonce la création de La French Tech, label de mobilisation et promotion des écosystèmes numériques français
- 14 février 2014, Fleur Pellerin ambitionne de bâtir la "start-up Republique"
- Le 12 novembre 2014 : après Paris, Axelle Lemaire labellise neuf "métropoles French Tech"
- Le 24 juin 2015, Axelle Lemaire labellise "quatre métropoles French Tech" et nomme quatre territoires "écosystèmes thématiques" depuis New York
- Tour de France de la French Tech : l’Alsace, comme un coq en pâte en septembre 2014
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