Journée chargée mardi 12 décembre 2017 pour Mounir Mahjoubi. Le secrétaire d’Etat a passé la journée à Bordeaux. Dans la matinée, il a présenté dans les locaux d’Emmaüs Connect la stratégie nationale envisagée pour former les 20 % de Français encore éloignés des usages numériques. Il a ensuite visité l’écosystème alternatif Darwin, sur la rive droite, et la PME innovante Immersion, dont le président fondateur est Christophe Chartier . Mounir Mahjoubi a ensuite découvert la librairie Mollat, son versant Station Ausone, sa stratégie numérique et notamment ses célèbres bookfaces (faces de livres). Avant de se rendre dans les locaux de la Coursive, l’incubateur de la CCI de Bordeaux Gironde, à la rencontre du comité d’entrepreneurs de French Tech Bordeaux et de plusieurs startups venues se présenter et l’interroger, puis de prendre la parole sur la scène de l’événement French Tech Connect, il a accordé quelques minutes à La Tribune.
L’initiative French Tech a été créée fin 2013 par le gouvernement précédent. Quel bilan tirez-vous de ces 4 années écoulées ?
"French Tech a 3 missions : fédérer, accélérer, faire rayonner. Fédérer c’est toute la démarche qui a fait qu’aujourd’hui on a des métropoles fantastiques qui ont réussi à se mobiliser et faire émerger des communautés d’entrepreneurs réunies autour de collectivités qui ont mis des moyens financiers, fonciers. Ce qu’on voit ce soir, c’est un 3e épisode, les 3 ans de la labellisation French Tech et dans toutes les villes où ça se passe bien, ça se passe comme cela. Des communautés d’entrepreneurs qui s’engagent, des collectivités qui investissent, des entités qui quand elles sont fédérées, sont plus efficaces entre elles.
J’étais chez un entrepreneur bordelais tout à l’heure : il m’expliquait que quand il est allé vendre à Singapour, c’était facile pour lui, la French Tech était sur place. Et quand il parle de la French Tech, il s’agit d’une communauté d’entrepreneurs français sur place, ce n’était pas un service. Le pouvoir fédérateur a très bien marché. Sur la question des réseaux thématiques French Tech, je suis encore persuadé qu’ils sont très utiles mais ils ont inégalement fonctionné. Il faut qu’on se réinterroge sur la meilleure façon, ou la façon nouvelle d’animer les filières ultra-tech et se dire qu’il ne faut pas des comités de filières à l’ancienne, qu’il faut des trucs agiles. C’est un des sujets de 2018 : comment on anime ces réseaux thématiques French Tech pour qu’ils jouent leur rôle.
Sur la partie accélération, aujourd’hui le bilan est très positif pour tous les fonds d’accélération portés par French Tech avec Bpifrance. La grande question maintenant, c’est la stratégie. V1, on a identifié des accélérateurs de startups, on a investi, on a lancé ces fonds. La suite, c’est sur quels secteurs on veut aller plus vite, qu’est-ce qui nous manque et comment on y arrive, ce sera aussi un élément important de 2018.
L’autre sujet très nouveau, c’est French Tech Diversité qui était une expérimentation et que l’on a généralisé avec une double priorité : la mixité, les femmes dans le numérique, et les personnes issues des quartiers défavorisés. C’est aussi une priorité de 2018."
Le prochain CES Las Vegas aura lieu en janvier 2018. Ces deux dernières années, les entrepreneurs français sous la bannière French Tech et leur dynamisme ont été remarqués lors de ce salon international. Qu’attendez-vous de la prochaine édition ?
"De la diversité. Il y aura davantage d’acteurs français présents, des startups mais aussi énormément de PME de l’économie dite traditionnelle et je passerai beaucoup de temps avec elles, avec les métropoles French Tech, avec les Régions, avec Business France qui a fait une sélection de sociétés qui viendront présenter leurs produits et leurs solutions. Hier nous étions à Station F avec le président de la République et le ministre de l’Enseignement supérieur pour parler du climat. Il y avait plusieurs startups que l’on connaît bien et qui seront présentes au CES. J’y serai pour soutenir les startups françaises et aussi pour célébrer le fait qu’on a des PME qui ont des super innovations à présenter."
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- Mounir Mahjoubi lors de sa visite de la société bordelaise Immersion, spécialisée dans les solutions virtuelles et immersives (photo Thibaud Moritz / Agence Appa)
Justement, certaines PME font part de leur sentiment d’être isolées, jugeant que l’accent est mis sur les startups ou sur les relations de ces dernières avec les grands groupes mais qu’elles sont considérées comme trop matures pour être innovantes...
"Il faut qu’on fasse mieux sur ça. Mais sur les PME innovantes, en volume de subventions, en volume d’accompagnement, d’aides de l’Etat via le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le crédit impôt recherche et le statut de jeune entreprise innovante, ces entreprises bénéficient de plus d’argent, parce qu’elles sont plus grosses, que ce qui va dans les startups. Il faut avoir en tête que sur les startups, on était en retard : rien n’était fait pour elles. Donc on a fait un grand focus sur ce type d’entreprises ces dernières années en disant qu’il fallait absolument les faire émerger."
Le baromètre publié par Bpifrance sur les collaborations entre les startups et les grands groupes est assez mitigé et montrent que si une prise de conscience a eu lieu, ces grands groupes peinent à passer de la parole aux actes. Comment améliorer la situation ?
"Vous avez vu le chiffre qui va avec l’étude : à peine 0,1 % des budgets alloués par ces grands groupes à leurs fournisseurs concernent des startups. Il faut les aider à passer aux actes dans les frapper, c’est-à-dire qu’on ne va pas leur imposer de se fournir en services et produits auprès de startups. On va simplifier, on va mieux communiquer, on va mieux s’organiser.
Aujourd’hui c’est compliqué pour ces grandes boîtes mais c’est compliqué pour l’Etat aussi. Je veux donc travailler sur la manière dont l’Etat peut acheter mieux de l’innovation. Comment on achète quelque chose qui n’est pas encore mature ? Qui n’a pas encore fait ses preuves ? Comment on achète quelque chose qui va continuer à évoluer très rapidement ? Comment on achète quelque chose à une boîte qui est encore en phase de développement et dont on ne sait pas ce qui va en sortir ? On a des véhicules juridiques pour ça, comme le partenariat d’innovation. C’est un outil facile, une exception aux marchés publics qui permet de décider d’acheter à une startup ou de co-développer avec un laboratoire de recherche une solution pas encore finie. Le problème est qu’on sait que ce sont des projets qui peuvent déboucher sur un échec. Donc le fonctionnaire ou l’agent public qui va s’engager dans ce truc-là, il va se dire : j’ai d’un côté une solution sur étagère, qui n’est pas exactement ce qu’on veut et qui est un peu chère mais qui est installée dans ¾ des mairies de France, et de l’autre côté une startup qui nous aide à faire ceci ou cela.
La question est donc : comment on aide les managers du public à se faire confiance et on valorise l’innovation. A l’hôpital par exemple, on a des discussions avec l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris, NDLR) qui vient de lancer un concours d’innovation pour dire à ses équipes : « C’est bien de faire de l’achat innovant. » Mais comme c’est nouveau pour eux, ils profitent de la construction d’un nouvel hôpital pour faire un appel à projets innovants et avec les startups et les laboratoires de recherche qui le gagneront, ils vont rentrer dans des partenariats d’innovation. Mais tant qu’on n’en aura pas fait beaucoup, tant que tout le monde ne l’a pas vu, ce sera compliqué à faire émerger dans les cultures d’entreprises. Il faut que l’on trouve la grosse boîte qui aura fait 20 % d’achats de ce type, qui montrera que ça a un impact très fort sur la performance et là vous verrez que tout le monde se mettra à acheter différemment."
Par Mikaël Lozano | 13/12/2017
photo : Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au numérique, lors de sa visite à Bordeaux (Crédits : Thibaud Moritz / Agence Appa)
Publié par Mikaël Lozano le 13 décembre 2017 dans www.latribune.fr
L’équipe de la Mission French Tech
Pour en savoir plus :
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