Avec son outil de prise de rendez-vous médicaux, la start-up française a révolutionné l’accès aux praticiens de santé. Active en France et en Allemagne, elle compte désormais 75.000 professionnels et 1.400 établissements partenaires, tout en générant 30 millions de visites chaque mois sur sa plate-forme. Avec ce nouveau financement emmené par le fonds américain General Atlantic et ses investisseurs historiques, Doctolib veut imposer la vidéo-consultation et s’étendre dans de nouveaux pays, tout en maintenant un rythme d’innovation très soutenu.
Les « Echos » : Cinq ans après la création de Doctolib, où en êtes-vous ?
Cofondateur et PDG de Doctolib, Stanislas Niox-Chateau : Nous avons créé Doctolib avec une mission simple : contribuer à améliorer le système de santé avec une approche innovante en partenariat avec les cabinets et les hôpitaux de demain. Nous voulons permettre d’améliorer l’expérience des patients et l’accès au soin en facilitant la tâche des professionnels de santé. Tout le développement de Doctolib repose sur cette ambition. L’engouement a largement dépassé ce que nous avions prévu initialement. Aujourd’hui, 75.000 professionnels de santé et 1.400 établissements utilisent Doctolib en France et en Allemagne, où nous sommes présents depuis deux ans. En France, cela représente déjà 15 % des professionnels de santé. Nous cumulons 30 millions de visites chaque mois, ce qui fait de Doctolib le premier site d’e-santé en Europe, et parmi les tout premiers au monde.
Avec cette levée qui valorise Doctolib au-delà du milliard d’euros, est-ce que vous être rentables ?
SN-C Non, nous ne le sommes pas car nous investissons sur le long terme. Ce qui explique aussi le choix des investisseurs qui nous accompagnent sur cette levée de fonds. Ils partagent la même vision humaniste que nous et l’objectif d’améliorer la santé.
General Atlantic, principal investisseur de ce nouveau tour, est déjà présent auprès de pépites françaises comme Sézane. Pourquoi les avoir choisis ?
SN-C Pour leur vision de long terme et leur aspect humaniste, ce qui n’est pas courant chez les investisseurs. C’est aussi pourquoi nous avons choisi bpifrance, qui partage ces sujets avec nous. Nous avons reçu des propositions plus importantes mais le sujet n’était pas de choisir le montant le plus élevé à tout prix. Tous nos investisseurs historiques ont réinvesti, ce qui est une marque de confiance très importante pour nous.
A quoi vont servir ces fonds ?
SN-C Nous avons quatre objectifs : doubler en trois ans la taille de nos équipes françaises et allemandes pour améliorer l’accompagnement de nos professionnels de santé, toujours avec une approche locale. Ensuite, nous allons déployer le service de vidéo-consultation auprès de nos 75.000 professionnels. Nous avons aujourd’hui 150 ingénieurs, mais nous allons également doubler nos équipes techniques à Paris et à Berlin. Enfin, nous voulons répliquer les succès français et allemand dans d’autres pays.
L’autre acteur mondial, Zocdoc, est américain. Est-ce que vous imaginez aller l’attaquer sur ses terres ?
SN-C Nous sommes financés à peu près au même niveau, mais je pense que nous sommes au-dessus en termes d’utilisateurs. Nous avons un plan de développement à l’international, mais il est encore trop tôt pour le dévoiler.
Est-ce que cette croissance peut passer par des acquisitions, comme vous l’avez fait avec MonDocteur ?
SN-C La levée n’est pas faite pour cela, mais nous restons ouverts. Pour renforcer notre présence, nous sommes par exemple en partenariat avec des éditeurs de logiciels professionnels. Beaucoup d’acteurs proposent d’autres services auxquels nous pourrions également nous associer.
Est-ce que vous pourriez développer la notation des médecins, comme le font certains de vos concurrents allemands ?
SN-C Nous ne mettons pas en concurrence les praticiens, nous sommes là pour les aider à mieux répondre aux attentes des patients. C’est grâce à cela que nous pourrons améliorer la santé et le parcours de soins. La santé représente 11 % de l’économie européenne et croît de 3 à 4 % par an. Les enjeux sont gigantesques et nous avons pris l’angle opposé des autres acteurs en nous concentrant sur la construction du meilleur outil possible pour les praticiens, tout en les accompagnant dans le changement.
Avec l’arrivée de la téléconsultation, allez-vous faire évoluer votre modèle économique ?
SN-C Nous n’avons qu’un seul et unique modèle : ce sont les professionnels et les établissements de santé qui paient un abonnement d’une centaine d’euros par mois pour accéder à nos services. Pour le grand public, qui ne voit que la partie émergée, c’est 100 % gratuit. Nous fournissons un logiciel de gestion de rendez-vous aux professionnels en élargissant les services et les fonctionnalités tous les jours, ce pourquoi ils adhèrent sans engagement dans le temps. Nous venons par exemple de leur mettre à disposition un outil de collaboration entre médecins avec la possibilité d’adresser à leurs confrères des messages, des documents et de prendre un rendez-vous qui peut être prioritaire pour leur patient.
La téléconsultation fait l’objet d’un abonnement spécifique pour vos utilisateurs pros, comment vous distinguez-vous de la concurrence ?
SN-C Nous avons développé une solution de vidéo-consultation avec 500 de nos médecins partenaires et l’avons lancée en janvier dernier. Elle permet de faire la consultation, de transmettre une prescription de manière informatisée, et de facturer la prestation en ligne. Contrairement aux autres acteurs technologiques, nous n’avons pas de salariés médecins pour assurer ce service, nous leur proposons un outil pour le faire. Sur Doctolib, 100 % des prestations sont remboursées car elles sont assurées par un médecin dans le cadre d’un suivi de patients, et on vérifie que le patient l’a bien vu lors des douze derniers mois, comme la loi l’exige.
Combien de téléconsultations ont-elles été réalisées via Doctolib ?
SN-C Nous ne communiquons pas encore sur le nombre, mais nous sommes en phase de déploiement. Je pense qu’il y a eu plus de téléconsultation sur Doctolib en trois mois que sur toutes les autres plates-formes confondues depuis les cinq dernières années. Mais ce service n’est pas une fin une soi. Ce n’est qu’une brique.
Est-ce que votre service est davantage utilisé par les jeunes médecins, plus technophiles ?
SN-C L’âge ou la localisation géographique ne jouent pas. Plus la patientèle d’un médecin est importante, plus il utilise Doctolib, y compris dans des déserts médicaux. D’ailleurs, les deux tiers de nos praticiens sont situés en dehors de l’Ile-de-France. Notre enjeu reste la conduite du changement car notre service n’existait pas il y a cinq ans. Nous allons voir tous les praticiens, nous privilégions le terrain sans faire de publicité ou de marketing pour nous faire connaître. On ne compte que sur le bouche-à-oreille.
Vous doublez vos effectifs à un rythme effréné, comment assurez-vous la gestion humaine de cette croissance ?
SN-C Nous avons créé une philosophie d’épanouissement personnel avec la « Doctolib Academy ». Dès leur arrivée chez nous, nous formons tous les nouveaux salariés pendant un mois. Tout le monde a le même niveau d’information et nous insistons sur la transparence, le calme et le bien-être. Nous créons des plans de carrière et de développement pour chacun des employés. Nous fonctionnons comme une équipe de sport et le concept phare qui nous détermine est celui d’entrepreneur.
Tout le monde peut-il créer son entreprise chez Doctolib ?
SN-C Un entrepreneur n’est pas quelqu’un qui veut créer forcément son entreprise, mais c’est un marathonien obsédé par la volonté de transformer une vision en une réalité. Il faut se référer à cette vision, apprendre tous les jours, travailler très dur, viser l’excellence et avoir de la passion. Toute notre organisation est tournée vers cela.
Quelle sera votre prochaine étape financière, l’introduction en Bourse ?
SN-C Nous n’avons pas de projet dans ce sens ni de cession à un groupe. Les 130 actionnaires fondateurs et salariés qui restent majoritaires partagent la même vision et nous restons focalisés sur l’amélioration de l’accès aux soins, sur le parcours de santé et sur tout ce qui peut y aider. La santé, comme l’éducation, est un secteur passionnant et je recommande aux entrepreneurs français de s’y lancer.
Les trois dernières plus grosses levées de fonds de la French Tech
Voodoo, le petit prince du gaming (172 millions d’euros)
Deezer, le challenger musical (160 millions d’euros)
Ynsect, l’éleveur d’insectes (110 millions d’euros)
Publié par Guillaume Bregeras et David Barroux le 20 mars 2019 dans https://business.lesechos.fr
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- L’hustoire de Doctolib par Jessy : https://www.youtube.com/watch?v=0kQEMRJE4tw
Pour en savoir plus :
Lyon French Tech : interview de Virginie Delplanque le 20 juin 2015
Virginie Delplanque, Déléguée Générale French Tech One Lyon Saint Etienne le 01 novembre 2017
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