« L’hydroxychloroquine n’a pas démontré de propriété antivirale dans plusieurs modèles précliniques  », affirme le Dr Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et co-directeur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath) de Lyon. Le chercheur, originaire de Chaumont, ajoute : «  Nous avons mené une étude avec le CEA de l’Institut Pasteur sur des modèles d’épithélium respiratoire humain reconstitué et un modèle de primate non-humain pour évaluer les effets de l’hydroxychloroquine en combinaison ou non avec un antibiotique, en l’occurrence l’azithromycine, sur le SARS-Cov2. Le constat est simple, nous n’avons trouvé aucun effet antiviral significatif de l’hydroxychloroquine. »

L’OMS vient d’ailleurs récemment de suspendre les études cliniques utilisant de la chloroquine ou ses dérivés, suite à des études observationnelles internationales publiées dans les revues Lancet et New England Journal of Medecine. La première étude compile les résultats de nombreux essais cliniques menés sur six continents sur 15 000 malades dans 671 hôpitaux et fait le constat «  non seulement de l’inefficacité de ces molécules sur le Covid-19 mais suggère également des risques potentiels accrus, notamment cardiovasculaires ». L’autre étude, portant sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine VS placebo, chez un nombre important de patients (1 446) dans « un état précoce de la pathologie Covid-19 à New York, conclue également à une absence de gain clinique de l’hydroxychloroquine ».

Repositionnement de médicaments

Le docteur Manuel Rosa-Calatrava est originaire de Chaumont.

Avec son équipe de quinze chercheurs, ingénieurs et étudiants, le Dr Manuel Rosa-Calatrava a fait du repositionnement de médicaments sa spécialité. En d’autres termes, cette stratégie vise à exploiter des molécules déjà sur le marché pour de nouvelles indications thérapeutiques. Grâce à sa technologie unique, le laboratoire sélectionne des médicaments pour leur repositionnement et les évalue pour leur propriété à inhiber des virus dans différents modèles précliniques d’infection puis sur des modèles animaux. Cette stratégie a fait ses preuves contre la grippe et, surtout, elle aurait permis récemment une avancée majeure dans la lutte contre la Covid-19.
En menant une recherche intégrée fondamentale, médicale et technologique, le laboratoire Virpath est en première ligne depuis mi-janvier dans la lutte contre le SARS-CoV-2. Il est l’un des rares laboratoires en France à pouvoir manipuler ce virus.

«  Nous avons eu accès aux échantillons prélevés sur les premiers patients infectés. Nous avons ainsi pu isoler plusieurs souches virales, les amplifier, les caractériser par séquençage. Nous avons également mis au point les protocoles nécessaires à la qualification virale par biologie moléculaire et titrage infectieux  », explique Manuel Rosa-Calatrava. Plusieurs modèles précliniques d’infection ont également été développés et notamment des épithéliums respiratoires humains reconstitués (modèle d’étude très physiologique cultivé in vitro se rapprochant le plus des poumons de patients infectés, Ndlr) pour évaluer des médicaments candidats au repositionnement.

Trois essais cliniques lancés

Le repositionnement de médicaments offre un avantage de pouvoir directement mener des essais cliniques enphase 2. En l’espace de quatre mois, Manuel Rosa-Calatrava et son équipe ont pu évaluer plusieurs dizaines de molécules et certaines ont présenté des propriétés antivirales significatives dans les modèles d’infection prédictifs. Sur la base de ces résultats, deux essais cliniques ont ainsi pu être initiés : l’étude “Enacovid” teste un médicament repositionné sur 584 patients à l’AP-HP (hôpitaux de Paris) et l’essai “Hydilic” vise à tester une combinaison de médicaments repositionnés au CHU de Lille. Le troisième essai qui s’apprête à être mené aux Hospices civils de Lyon combinera le Remdesivir (antiviral développé initialement pour traiter la maladie à virus Ebola) et le Diltiazem, un médicament prescrit contre l’hypertension, que le laboratoire a déjà repositionné comme antiviral contre les virus de la grippe.

Pour le chercheur, cette crise a vu une incroyable mobilisation nationale et internationale. « En quatre mois, d’énormes progrès ont été faits dans la compréhension de la pathologie, des centaines de programmes de recherche ont été lancés dans tous les domaines. Cependant, et nous avons tendance à l’oublier, mais en l’absence de vaccin ou d’antiviraux contre les virus respiratoires, nous faisons face à des risques sanitaires majeurs. Nous devrons à l’avenir être mieux préparés. »

Joffrey Tridon

Les premières images du virus SARS-CoV-2

Crédits photos : Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre international de recherche en infectiologie Unité Inserm 1111 - UMR 5308 CNRS - ENS Lyon - UCBL1). Colorisée par Noa Rosa

Sur cette image, on découvre des coronavirus responsables de la maladie Covid-19. Il s’agit des toutes premières images du virus SARS-CoV-2 isolé à partir des premiers patients pris en charge à l’Hôpital Bichat Claude-Bernard (AP-HP) en janvier 2020. Les virus sont accrochés à des cellules épithéliales au niveau des cils du pôle apical (pôle de la cellule tourné vers le milieu extracellulaire). Pour les observer, les chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’université Claude Bernard Lyon 1 et de la startup Signia Therapeutics ont reproduit les conditions d’infection dans un épithélium respiratoire humain reconstitué. Les images ont été obtenues par microscopie électronique à transmission au sein du laboratoire VirPath au sein du Centre international de recherche en infectiologie, avec l’appui de la plateforme CIQLE.

Publié par Joffrey Tridon dans le journal de la Haute-Marne (JHM) du jeudi 30 mai 2020 dans http://www.jhm.fr

Publié par communique de presse le 27 juillet 2020 dans https://presse.inserm.fr

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