Covid-19 : La crise sanitaire oblige à repenser le futur hôpital de Reims on a absolument besoin d’un nouvel hôpital.

, dans le réseau de Christophe Juppin

À peine lancé, déjà contesté. Le nouveau CHU, chiffré à 425 millions d’euros, doit être repensé à la lumière de la crise. C’est ce que réclament Philippe Rieu, président de la Commission médicale d’établissement, et Arnaud Robinet, président du conseil de surveillance du CHU, qui dénoncent aussi de nouvelles suppressions de lits.


Dans un courrier aux agents du CHU, vous jugez le futur hôpital inadapté aux besoins actuels et à venir. Pour quelles raisons ?

Philippe Rieu, président de la Commission médicale d’établissement : Lors des vœux en janvier 2020, j’avais déjà insisté sur notre capacitaire, en particulier en lits et en blocs opératoires, et sur les difficultés que nous rencontrerons dans le futur hôpital. C’est un discours que je tiens depuis longtemps. Notre grande crainte, c’est la réduction capacitaire.

« Si on avait été dans le nouvel hôpital pendant la crise, on aurait été en très très grande difficulté ! » Philippe Rieu, président de la Commission médicale d’établissement

Une crainte renforcée par la crise du Covid ?

Si on avait été dans le nouvel hôpital pendant cette crise, on aurait été en très très grande difficulté ! On n’aurait pas pu répondre comme on a pu le faire.

Vous dénoncez « les insuffisances de notre système de soins : manque de personnels, manque de lits, manque d’équipements, manque de masques… ». Vous évoquez aussi la recherche de « rentabilité » et « une spirale mortifère obligeant l’hôpital à faire toujours plus avec toujours moins »…

Il est grand temps d’alerter les pouvoirs publics. Il y a beaucoup de problèmes qu’on faisait déjà remonter, mais qui n’étaient pas entendus. Là, on en a la démonstration, avec la crise Covid. Il y a un manque criant, en Champagne-Ardenne, de lits de soins critiques (réanimation, soins intensifs…). Heureusement que nous n’avons pas été confrontés à un cluster comme l’Alsace, sinon… La réserve capacitaire est également essentielle, car on est sans cesse soumis à des variations d’activité, avec les épidémies. Là, on a pu arrêter toute activité chirurgicale, mais on ne pourra pas recommencer chaque fois qu’il y a un problème !

« Nous perdons 200 lits, sur 766 ! Et nous passons de 23 à 17 salles de blocs. Donc c’est très important  »

Dans votre texte, vous fustigez surtout le Copermo (*), dont vous écrivez : « Il applique depuis sa création le « numerus clausus des lits ». Sans discernement, ce comité d’experts anonymes réfugiés dans un bureau de Bercy prescrit des mesures drastiques, pour imposer la réduction des lits et tenter ainsi de faire des économies. » À Reims, cela représente combien de suppressions ?

Avec le Copermo, nous perdons 200 lits, sur 766 ! Et nous passons de 23 à 17 salles de blocs. Donc c’est très important. En 2019, on a déjà réduit de 96 lits, donc même pas la moitié de ce que nous demande le Copermo, et on est déjà en très grande difficulté pour fonctionner. Plusieurs fois par an, l’hôpital est en tension. Donc on sait qu’on ne pourra pas réduire encore ce nombre de lits. Pour les blocs opératoires, c’est pareil. Aujourd’hui, on a 23 salles et on tourne à 85 % de remplissage, c’est vraiment la limite. Souvent on est obligés de déprogrammer des patients, car il n’y aurait pas la place sinon pour prendre en charge les urgences.

Un collectif de médecins s’est créé pour s’opposer au projet de nouveau CHU et tenter de l’améliorer. Faut-il stopper le chantier qui vent de démarrer ?

Il est indispensable d’avoir un nouvel hôpital. On a un hôpital extrêmement vétuste, avec des petites chambres à deux lits, à certains endroits une toilette pour quatre patients, une douche pour 26 patients… Cela a un coût très élevé, car il faut sans cesse refaire des travaux. Donc on a absolument besoin d’un nouvel hôpital, je l’ai toujours défendu, et on en parle depuis 2005 ! Après, on fait avec les contraintes qu’on nous impose… Aujourd’hui, avec les annonces d’Olivier Véran, j’espère qu’il y aura un desserrement des contraintes, et il faudra absolument qu’on puisse en bénéficier.

« L’idée est d’augmenter le bâtiment 2 en lits de médecine mais aussi en lits et en blocs de chirurgie. C’est la grosse différence entre l’avant et l’après-Covid  »

Mais il est trop tard, selon vous et selon Arnaud Robinet, pour modifier la première tranche, car cela coûterait cher et ferait perdre des années…

Notre opportunité, c’est qu’on est en deux phases : le bâtiment 1 de chirurgie, et un bâtiment 2 de médecine à l’origine. Ce que nous montre la crise, c’est qu’on ne peut pas rester avec la chirurgie sur un seul site. Si on n’avait eu qu’un site pendant la crise, on n’aurait pas pu continuer à opérer les patients urgents. Il faut un second bloc. Et ça tombe bien car sur le bâtiment 1, on le dit depuis le début, on n’a pas assez de chirurgie. L’idée est donc d’augmenter le capacitaire de la phase 2, en lits de médecine mais aussi en lits et en blocs de chirurgie. C’est la grosse différence entre l’avant et l’après-Covid, et c’est la demande que nous ferons au Copermo, s’il existe encore…

Réduire le nombre de lits, de blocs, c’est aussi réduire le nombre d’emplois. Quelles sont les perspectives de ce côté-là ?

D’abord on va se battre pour ne pas avoir moins de blocs et moins de lits. Ensuite, en améliorant les organisations, on peut aussi… «  rationaliser » les équipes. Mais le problème qu’on a, c’est qu’on demande vraiment beaucoup aux soignants. L’activité a beaucoup changé en dix ans, avec des patients qui restent peu à l’hôpital, un gros turnover. Les soignants doivent s’occuper de beaucoup plus de patients, ils ont des rythmes compliqués, c’est un travail assez lourd. Il y a désormais pas mal d’absentéisme. J’espère que le Ségur de la Santé va améliorer les choses, avec une hausse du ratio « soignants  » par «  soignés ». Sinon, bientôt, on n’aura plus de soignants. Aujourd’hui, on a quand même des postes vacants chez les soignants, c’est du jamais vu !

* Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers.

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Un collectif s’est créé pour repenser le futur CHU. Première piste envisagée : créer dans le bâtiment 2 un « pôle médico-chirurgical de neuro-sensorialité », en regroupant les services ORL, ophtalmologie, neurochirurgie...

« Le grand courage » des agents du CHU face au Covid

Philippe Rieu a rendu hommage au personnel. « Au début, on ne savait pas du tout ce qu’était le Covid. C’était très impressionnant de voir le nombre de patients aux urgences et en réanimation. Il y avait de l’inquiétude chez les médecins et les soignants. Est-ce qu’on pourra prendre en charge tous ces patients ? Est-ce que nous serons malades nous aussi ? Malgré cela, l’ensemble de la communauté soignante et médicale a eu un comportement exceptionnel, et il faut le dire, un grand courage. » Au final, « 480 agents ont été arrêtés à un moment ou un autre, soit parce qu’ils ont eu le Covid ou une suspicion, soit parce qu’ils avaient des fragilités. »

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L’entrée du CHU de Reims, vendredi 3 avril 2020. (© MM - FTV)

Arnaud Robinet en appelle à Emmanuel Macron contre les suppressions de lits

Maire de Reims et président du CHU, Arnaud Robinet a écrit à Emmanuel Macron, le 10 juin 2020, pour l’alerter « sur la reconstruction de l’hôpital ». Rappelant au chef de l’État que la Région a été «  très impactée » par l’épidémie, le maire déplore lui aussi « le caractère inacceptable des demandes du Copermo à l’égard du CHU de Reims, à savoir une réduction de 24 % de ses lits de médecine et de chirurgie, ainsi qu’un nombre de lits de soins critiques très insuffisant. »

Arnaud Robinet, qui rappelle la « vétusté architecturale » de l’établissement, avec « 70 % de chambres à deux lits  », demande « un nouvel examen du dossier, afin que soit pris (sic) en compte la situation de cet établissement (par ailleurs dans un état financier très sain depuis plusieurs années) et celle de son territoire ». Le maire propose enfin de rencontrer Emmanuel Macron pour défendre ce dossier. Au vu du rayonnement du CHU, le courrier, cosigné par Catherine Vautrin, l’est aussi par le président du Grand Est Jean Rottner, par les présidents des conseils départementaux de la Marne, des Ardennes et de l’Aube, par une douzaine de parlementaires de ces trois départements, et par les maires de Châlons, Charleville et Troyes.

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Maire de Reims et président du CHU, Arnaud Robinet a écrit à Emmanuel Macron, le 10 juin 2020, pour l’alerter « sur la reconstruction de l’hôpital ».

Publié par Guillaume Levy le jeudi 11 juin 2020 dans https://abonne.lunion.fr/


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France 3 Champagne-Ardenne @France3CA · 10 juin 2020
Le maire de Reims @ArnaudRobinet souhaite rencontrer @EmmanuelMacron pour limiter le projet de suppression de lits au CHU.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/reims/coronavirus-maire-reims-president-du-chu-arnaud-robinet-veut-rencontrer-macron-avenir-hopital-1839936.html
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L’Union-L’Ardennais @UnionArdennais · 11 juin 2020
#Santé La crise du #Covid-19 oblige à repenser le futur hôpital de #Reims Ce projet à 425 millions d’euros serait inadapté aux besoins actuels et à venir !
https://abonne.lunion.fr/id156133/article/2020-06-11/la-crise-du-covid-oblige-repenser-le-futur-hopital-de-reims

Pour en savoir plus :

- Alsace BioVallet et le cluster Nogentech ont visité l’IHU Strasbourg le 15 décembre 2017
- L’intelligence artificielle entre au bloc
- Courlancy-Bezannes, la clinique des superlatifs, démarre son activité à Reims-Bezannes le mardi 22 mai 2018.
- A quoi ressemblera l’hôpital du futur ? au Paris Healthcare Week le 29 mai 2018.
- Des chercheurs de l’université de Reims préparent un nouveau médicament contre les tumeurs cancéreuses le 11 décembre 2019 à Reims.
- Covid-19 : 5 choses à savoir sur le covid-19 avec l’expert des virus à Reims le 10 mars 2020
- Covid-19 : L’université de Reims recherche des molécules contre le Covid19 le 11 mai 2020
- Covid-19 : Comment l’université de Reims s’implique au cœur de la lutte contre le coronavirus le 13 mai 2020
- Covid-19 : La santé publique passe désormais par l’URCA le 28 mai 2020 .
- Covid-19 : La crise sanitaire oblige à repenser le futur hôpital de Reims le 11 juin 2020
- Covid-19 : Le CHU de Reims obtient des résultats en soignant des patients avec des corticoïdes le 27 juin 2020.