Un président de la République française dans la Silicon Valley, c’est plutôt insolite. Quelle était la finalité de cette visite ?
C’est effectivement une première depuis la visite de François Mitterrand il y a trente ans. Le point d’orgue de ce déplacement, c’est l’inauguration du French Tech Hub, un lieu, dans le centre de San Francisco, où pourront être accompagnées des entreprises qui veulent se développer dans un écosystème innovant. L’idée est de faciliter l’accès aux infrastructures et les contacts avec les acteurs locaux. A brève échéance, nous aimerions ouvrir trois ou quatre de ces Maisons de l’international en Amérique du Nord et en Asie.
Ces initiatives peuvent-elles aider à rétablir durablement l’attractivité de la France vis-à-vis de l’étranger ?
Depuis le CES, le grand salon de l’électronique qui s’est tenu début janvier 2014 à Las Vegas, beaucoup d’investisseurs montrent de l’intérêt pour la France. De nombreux PDG étrangers seront d’ailleurs présents à l’Elysée le 17 février 2014 pour le conseil de l’attractivité. Il faut offrir plus de prévisibilité sur l’environnement réglementaire et fiscal. Le président Hollande a assuré que les dispositifs favorables aux start-up ne seront pas remis en question pendant le quinquennat.
Que recouvre ce mouvement French Tech, que vous avez mis sur les rails fin 2013 ?
Nous essayons de bâtir une dynamique et une marque. Il y a un vrai besoin pour un concept fédérateur qui permette de se projeter à l’international. Nous cherchions un nom de guerre qui puisse être vecteur de communication pour l’international. Il est mis à la disposition de tout le monde, certains l’ont déjà inscrit sur leur carte de visite : "Proud member of la French Tech."
Et quelles sont les raisons d’être fier ?
La France est réputée pour son excellence académique. Dans les mathématiques, l’algorithmique, le design 3D, nous sommes extrêmement bien placés. Les Français se distinguent également par leur grande loyauté et leur capacité de travail. Et nos entrepreneurs sont de plus en plus mobiles et ouverts sur l’étranger.
Et pourtant, l’entrepreneur français demeure une espèce rare…
La France souffre d’une aversion historique à l’échec. C’est ce qui nous différencie d’Israël, des pays scandinaves ou des Etats-Unis. Il faut travailler sur ce sujet dès l’enfance. Nous consacrons 20 millions d’euros pour encourager les démarches de sensibilisation à l’entrepreneuriat et à l’innovation dès l’école. Dans l’absolu, j’imagine un reality-show sur des créateurs de start-up.
L’argent constitue l’autre défaillance. Comment changer la donne ?
En bâtissant une industrie du capital-risque en France et en Europe. Dès que l’on dépasse 5 millions, les levées sont compliquées. Le fonds Large Venture de Bpifrance a été mis en place pour ce type de ticket. Mais la comparaison avec les Etats-Unis est cruelle : il y a huit fois moins d’argent à investir en Europe. Nous travaillons avec la Banque européenne d’investissement sur des solutions qui lui permettraient, par exemple, d’investir dans des fonds paneuropéens. L’autre ambition, c’est de faire émerger l’équivalent d’un Nasdaq européen.
Le problème de la French Tech n’est-il pas que l’Etat y soit trop présent ?
Non. Nous adoptons une approche qui laisse les clés aux écosystèmes. Nous allumons la flamme, à eux d’apporter le carburant.
N’est-il pas déjà trop tard ?
Le risque serait que la France se laisse marginaliser dans la compétition internationale, et que les grands groupes américains, comme Facebook ou Google, soient les seuls capables de capter la valeur. Nous voulons construire une ambition nationale qui aille au-delà des cycles électoraux. Rien n’est perdu, car le numérique avance par vagues d’innovation successives, il faut se préparer pour la suivante ! Mais il faut pour cela changer le système en profondeur, c’est pourquoi je parle de "start-up République".
Publié par Gilles Fontaine le 14 février 2014 dans www.challenges.fr
Pour en savoir plus :
Le 27 novembre 2013 Fleur Pellerin annonce la création de La French Tech, label de mobilisation et promotion des écosystèmes numériques français
14 février 2014, Fleur Pellerin ambitionne de bâtir la "start-up Republique"
Le 12 novembre 2014 : après Paris, Axelle Lemaire labellise neuf "métropoles French Tech"
Le 24 juin 2015, Axelle Lemaire labellise "quatre métropoles French Tech" et nomme quatre territoires "écosystèmes thématiques" depuis New York
Tour de France de la French Tech : l’Alsace, comme un coq en pâte en septembre 2014
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